Chers étudiants,

Je ne peux pas vous dire que tous vos résultats pédagogiques du premier semestre, et par conséquent vos inscriptions du second, sont coincés dans un tuyau d’ordinateur qui refuse obstinément de les restituer. On dira plutôt que l’université poursuit ses efforts pour que le nouveau système informatique Apogée fonctionne. Mais vous serez, j’en suis convaincu, contents de savoir que le nom de ce système informatique qui vous gouverne suffit à garantir toute la considération que l’université vous porte.

Je ne peux pas vous dire ni comment ni pourquoi on a choisi ce système mais il est certainement le meilleur puisqu’il coûte 200 000 €. Il existe bien un autre logiciel mais comme il est pratiquement gratuit, il y a toutes les raisons de penser qu’il provoque toutes sortes de dysfonctionnements graves. Je ne peux donc pas vous le dire non plus puisque les dysfonctionnements, justement, on n’y a pas échappé. On dira plutôt qu’à l’avenir, quand vous ne serez plus étudiants pour certains d’entre vous, tout ira mieux. Comme vous êtes altruistes, chers étudiants, vous en serez sûrement ravis.

Je ne peux pas vous dire que je savais depuis plusieurs mois que vous risquiez tous de subir les conséquences de cette décision hasardeuse. Et je le savais d’autant mieux que j’avais été prévenu du fait que ce logiciel s’adaptait particulièrement mal aux formations de Paris 8. Malgré tout, j’ai fait le choix de ne pas maintenir le fonctionnement du logiciel précédent et de tout miser sur la mise en œuvre du nouveau. Il faut être moderne et audacieux quand on fait des choix : ça passe ou ça casse. Mais, malheureusement, ça casse. Je suis donc plutôt mal placé pour vous dire que tout cela coûte fort cher et qu’il a fallu faire l’économie de la maintenance de l’ancien système. Vous n’allez tout de même pas me plaindre sur le prix que ça coûte alors que vous n’avez pas fini d’essuyer les plâtres ! On dira plutôt que ce système fonctionne ailleurs, à Rennes ou à Toulouse, et qu’on peut donc avoir bon espoir que ça finisse par fonctionner aussi à Paris 8.

Je ne peux pas vous dire, chers étudiants, que ce big brother universitaire est si peu adapté à vos formations qu’il faut une ingéniosité formidable pour arriver à les lui faire avaler (et encore, on est toujours pas vraiment sûr d’y arriver partout). On dira plutôt que c’est pour le maintien des principes fondateurs de Paris 8 et de votre liberté de choix qu’il y a tant de pain sur la planche. Mais l’ingéniosité ne suffit pas : comme on est obligé de faire des manœuvres très compliquées avec ce nouveau système, il y a beaucoup d’apprentissage à faire pour tout le monde. Je vous demande donc, chers étudiants, toute votre compassion à l’égard du personnel. Si vous tombez sur un(e) secrétaire au bord du craquage de nerf, ne lui dites surtout pas « mais moi, j’en ai besoin de mes résultats du 1er semestre » ! Dites plutôt « j’ai compris tous les efforts que l’université et vous-même font pour moi et je repasserai dans un avenir proche ». Si vous n’êtes vraiment pas capables de cette magnanimité élémentaire, vous pouvez vous faire connaître auprès de votre secrétariat mais un bon conseil : armez-vous de justificatifs en béton pour espérer passer dans le peloton des « prioritaires ».

Notez que j’aurais pu vous le dire avant qu’il fallait alerter votre secrétariat sur votre situation personnelle. Assurément, j’aurais pu puisque je savais qu’on en arriverait là mais ça vous aurait gâché vos vacances ! Certain que vous aurez compris que c’est dans l’intérêt, et le bien-être, de tous que tout ceci a été fait, pour l’avenir et la modernité à Paris 8, bien à vous,

pour Le Président de l’Université Paris 8

L'apogéphobe caché

Comme la lettre du Président aux étudiants risque de ne pas être lue avec toute l’attention qu’elle mérite, avec les conséquences fâcheuses que cela pourrait avoir aux portes des secrétariats, on en propose ici une version plus…
...facile à comprendre.

 

NB. Ceci est un faux grossier ...